Radio-Canada – 25 octobre 2013
Tandis que le thème du logement social a été largement abordé par les principaux candidats dans la course à la mairie de Montréal, le Fonds de contribution créé en ce sens par la Ville il y a un an et demi n’a encore financé aucun projet de logement abordable.
En mars 2012, l’administration de Gérald Tremblay annonçait la création d’une caisse destinée à recevoir les contributions de promoteurs de projets immobiliers où il n’est « ni possible, ni souhaitable d’inclure sur le site des logements sociaux, communautaires et abordables », par exemple « des sites de densité élevée où seuls des immeubles de grand gabarit de type gratte-ciel [peuvent] être construits ».
Or, aucun dollar n’est pour l’instant sorti du Fonds de contribution à la Stratégie d’inclusion de logements abordables de la Ville, confirme le porte-parole de la Ville de Montréal, François Goneau.
« Le Fonds n’en est qu’à ses débuts. Il sera utilisé en priorité pour l’achat de terrains ou bâtiments pour le développement de nouveaux projets sociaux ou communautaires et, en second lieu, pour compléter le montage financier de projets en cours d’élaboration », explique-t-il.
M. Goneau ne peut préciser le montant recueilli à ce jour, mais en avril 2013, un premier bilan faisait état de près de 600 000 $. Seuls deux projets avaient alors contribué : Le Castelnau, dans l’arrondissement de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension, et Le Drummond, dans Ville-Marie.
La Ville de Montréal affirme que cette somme pourrait monter à plus de 3,6 millions de dollars à la suite des dernières ententes avec des promoteurs immobiliers. Cela est toutefois tributaire de la réalisation des projets pour lesquels des ententes ont été signées.
Les organismes ont des doutes
Du côté du Comité logement Ville-Marie, on s’inquiète de la répartition des sommes collectées par le Fonds. Le coordonnateur Éric Michaud souligne que rien n’assure que les logements sociaux financés par le Fonds seront construits à proximité des projets immobiliers ayant contribué à la caisse.
À la Ville, M. Goneau précise que « les contributions provenant d’un arrondissement pourraient être utilisées dans un autre arrondissement à la condition que les deux arrondissements concernés donnent leur accord au dossier décisionnel ».
Sheetal Pathak, du Projet Genèse, dans l’arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, craint pour sa part que la hausse du prix du foncier ait un effet négatif sur la capacité du Fonds à financer des projets.
Le logement social, un thème de campagne
Le thème du logement social a été largement abordé par les principaux candidats à la mairie de Montréal. Le chef de Coalition Montréal Marcel Côté suggère de rendre obligatoire la Stratégie d’inclusion.
Équipe Coderre abonde dans le même sens, en proposant d’étendre la stratégie à tous les projets immobiliers et d’imposer une cotisation pour les projets immobiliers qui ne peuvent inclure 30 % de logements sociaux et abordables.
Projet Montréal souhaite durcir les règles, en exigeant « 15 % en logement social et 15 % en logement abordable pour les projets résidentiels de 20 unités et moins, et un taux de 20 % respectivement pour les projets de 21 unités et plus ».
Mélanie Joly est la plus discrète sur le sujet. Son programme évoque seulement la construction de 30 000 logements à Montréal au cours des quatre prochaines années, sans évoquer la nature de ceux-ci.
Une Stratégie qui atteint partiellement ses objectifs
La Stratégie d’inclusion de logements abordables vise à inclure 15 % de logements sociaux et communautaires et 15 % de logements abordables privés ou pour familles dans les projets résidentiels de 200 unités et plus.
Le versement d’argent au Fonds de contribution permet à un promoteur de ne pas inclure de logement social dans son projet immobilier.
Depuis l’adoption de la Stratégie en 2005, la Ville est proche de ses objectifs, puisqu’environ 13 % des logements construits depuis sont des logements sociaux et communautaires.
Cependant, des disparités existent entre les arrondissements : à Ville-Marie, par exemple, on n’en est qu’à 6 %, selon des données obtenues de la Direction de l’habitation.
L’adhésion à cette Stratégie, tout comme la contribution au Fonds, n’a rien d’obligatoire. Marie-Josée Corriveau, organisatrice au Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), explique que c’est après de longues négociations entre arrondissements et promoteurs que l’inclusion de logement social se réalise.
« La Stratégie est incitative, c’est donc uniquement quand un changement de zonage est requis que le rapport de force est favorable à l’arrondissement. »
À l’heure actuelle, la Loi provinciale sur l’aménagement et l’urbanisme ne permet pas aux municipalités d’exiger l’inclusion de logements abordables dans les projets résidentiels.
Rémy Bourdillon