La Presse – 31 octobre 2013

La Presse - CDN-NDG ; 2 quartiers, 2 réalitésC’est le couple le plus dépareillé de Montréal. Au centre, le boulevard Descarie, véritable gouffre qui divise les époux de ce mariage forcé. D’un côté : Côte-des-Neiges, vitrine sur la planète, où des néo-Montréalais de plus de 160 origines ethniques différentes se côtoient. De l’autre, Notre-Dame-de-Grâce (NDG), avec ses quartiers bourgeois et ses vieilles familles qui y vivent depuis des générations. C’est aussi l’arrondissement le plus populeux :  1 Montréalais sur 10 y vit, pour le meilleur et pour le pire.

CÔTE-DES-NEIGES

« Venez à Côte-des-Neiges, on va vous accommoder ! » Au bout du fil, on reconnaît l’humour baveux de Sugar Sammy, l’humoriste québécois le plus connu sur la scène internationale. Il frappe pourtant dans le mille. Il y a plus de Québécois issus de l’immigration dans son quartier natal que de Québécois de souche. Ici, la minorité visible, c’est le « pure laine ».

La Presse - CDN-NDG : deux quartiers, deux réalités (Photo: Édouard-Plante Fréchette, La Presse)

(Photo: Édouard-Plante Fréchette, La Presse)

Plus de la moitié des résidants de Côte-des-Neiges ne sont pas nés sur le territoire canadien. Si on ajoute leurs enfants, cette proportion grimpe à plus de 75 %.

La meilleure façon de goûter à cet exotisme multiculturel est de marcher rue Victoria. Dans le même quadrilatère : une épicerie indienne, un club vidéo philippin, un restaurant libanais, une boutique de vêtements africaine, un dépanneur bric-à-brac où les produits jamaïcains côtoient les croustilles importées du Bangladesh.

La succession de ces commerces fait penser à la carrière de Sugar Sammy, qui a donné plus de 1000 spectacles dans 30 pays, en français, en anglais, en hindi et en punjabi.

« Ce n’est pas une coïncidence si je voyage avec mon humour. Je le dois beaucoup à mon quartier, j’ai absorbé ces cultures-là, c’est dans mon ADN », explique-t-il.

Samir Khullar, de son vrai nom, est le fils d’un propriétaire de dépanneur de Côte-des-Neiges. Ses parents ont immigré de l’Inde vers la fin des années 60.

Ce qui fait la particularité de Côte-des-Neiges, c’est qu’il n’y a pas de ghettos. Aucun groupe n’y est vraiment majoritaire. « C’est vraiment plaisant à voir. C’est comme si tout s’était développé de façon organique, personne ne l’a forcé. Le résultat est vraiment d’une grande richesse. »

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Sheetal Pathak est aussi originaire de l’Inde. La jeune femme de 27 ans est arrivée au Québec à l’âge de 9 ans. Elle a grandi au bas de la côte, dans un quartier surnommé le Triangle. Aujourd’hui, le visage du quartier change en raison d’un important projet immobilier. On est en train d’y construire 3200 logements.

À Côte-des-Neiges, 1 ménage sur 5 consacre plus de 50 % de ses revenus au logement.

Sheetal Pathak est organisatrice communautaire pour l’organisme Projet Genèse. Elle aide les résidants du quartier qui ont des problèmes de logement.

Le problème, dit-elle, avec la plupart des nouveaux condos qui se construisent dans le quartier, c’est qu’ils sont trop chers. « On ne construit pas pour les citoyens de Côte-des-Neiges », explique-t-elle dans un français impeccable.

Sheetal Pathak nous emmène marcher dans le quartier. Nous arrivons dans la rue Vézina. Des multiplexes délabrés se succèdent. « Les proprios vivent dans un monde où ils peuvent facilement trouver un autre locataire, donc il y a beaucoup d’intimidation envers les gens qui ont un statut précaire, raconte-t-elle. Il n’est pas rare qu’un locataire qui se plaint se fasse dire par son propriétaire qu’il va téléphoner à l’immigration et qu’ils seront expulsés. »

Le logement est un enjeu majeur dans le quartier. La corporation de développement communautaire de Côte-des-Neiges, qui représente plus de 40 organismes, milite activement pour la construction d’un nouveau quartier sur les terrains vagues de l’Hippodrome de Montréal, plus particulièrement pour des logements sociaux.

« Près de 40 % des enfants de 6 mois à 12 ans vivent dans un logement où les taux de moisissure et d’humidité sont excessifs. Et 22 % des logements ont des problèmes de coquerelles », soulève Jennifer Auchinleck, responsable du dossier logement à la corporation de développement communautaire.

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Côte-des-Neiges, c’est aussi le domicile de grandes institutions montréalaises comme l’hôpital Sainte-Justine pour enfants et l’Université de Montréal, tous deux situés « en haut de la côte ». Il est impressionnant, à la fin de l’après-midi, de voir des milliers d’étudiants dévaler la rue Jean-Brillant vers les bars de l’avenue Lacombe ou vers les commerces du chemin de la Côte-des-Neiges. C’est aussi l’un des seuls endroits à Montréal où l’on trouve une pharmacie et une épicerie ouvertes 24 heures sur 24.

Maria Joao Lourenco, propriétaire de Mavi, restaurant portugais fréquenté par la faune étudiante, parle de Côte-des-Neiges comme du « meilleur quartier » de Montréal.

Le choix naturel, pour elle, aurait été de s’installer dans le quartier portugais dans le Plateau Mont-Royal. « J’aime le mélange des cultures, c’est pour cela que je me suis installée ici. C’est dans la différence qu’on apprend le plus ! »

NOTRE-DAME-DE-GRÂCE

Kim Fuller nous donne rendez-vous avenue de Monkland. Au fil du temps, la rue commerçante, qui s’étend de l’avenue Girouard à l’avenue de Melrose, est devenue une sorte de deuxième avenue Laurier, avec ses boutiques chics, son épicerie fine et ses restos branchés.

On est loin, très loin de la fameuse expression No Damn Good jadis utilisée pour décrire NDG et ses habitants.

« C’était la joke il y a 20 ans ! lance la porte-parole de l’Association des commerçants de la rue Monkland. Les choses ont beaucoup changé. Les gens se plaignent parfois que Monkland est devenu snob et tendance, mais je leur réponds : Pis ?” Je pense qu’il faut être fier de cette évolution ! »

Kim Fuller attribue le développement de la rue Monkland à l’explosion du prix des maisons dans le secteur, ce qui a fait croître la demande pour les produits de luxe ou bios. « La valeur de ma maison a facilement triplé, si ce n’est pas quadruplé, en 15 ans ! », illustre-t-elle.

Le village de Notre-Dame-de-Grâce a été fondé en 1850 autour de la paroisse Notre-Dame-de-Toutes-Grâces. Le premier maire de Montréal, Jacques Viger, y est d’ailleurs enterré. NDG a été annexé à Montréal en 1910 car il n’avait pas les fonds pour financer la construction de son réseau d’égouts.

Contrairement à la croyance populaire, il n’y a pas qu’un seul NDG : celui des anglophones bourgeois qui vivent dans de magnifiques maisons jumelées en briques rouges.

Il y a aussi d’importantes poches de pauvreté, certaines aux pourtours du chemin de fer du Canadien Pacifique, qui traverse le quartier depuis 1887.

Il y a aussi le quartier jamaïcain des avenues Walkley et Fielding où la diaspora s’est établie dans les années 60. Il y a ensuite eu des vagues d’immigrants de l’Italie, de l’Europe de l’Est, puis d’Iraniens qui fuyaient la révolution de l’ayatollah Khomeini.

Il y a certes les vieilles familles anglophones riches et éduquées qui y restent génération après génération. Le vieux quartier bourgeois francophone, qui se trouve à la frontière de l’avenue Clermont qui sépare NDG et la ville de Westmount, est toujours le domicile des mêmes familles. Le village Monkland attire les jeunes familles fortunées.

« C’est un arrondissement extrêmement diversifié où il existe des écarts sociaux énormes.

Côte-des-Neiges – Notre-Dame-de-Grâce

Taux de participation en 2009 : 36,1 %   (ensemble de Montréal :  39,4 %)

Maire élu : Michael Applebaum (52,2 % des voix)

Enjeux en 2013

Côte-des-Neiges – Notre-Dame-de-Grâce est l’arrondissement du maire déchu Michael Applebaum. C’est le conseiller Lionel Perrez (Union Montréal) qui l’a remplacé comme maire d’arrondissement lorsqu’il a succédé à Gérald Tremblay à la tête de l’hôtel de ville. En juin, Applebaum a été arrêté par l’Unité permanente anticorruption (UPAC). Il fait face à 14 chefs d’accusation, dont complot, fraude, corruption et abus de confiance.

Lionel Perez s’est joint à l’Équipe Denis Coderre, qui compte 24 anciens d’Union Montréal dans ses rangs. Il se présente comme conseiller dans le district de Darlington.

Une autre grande pointure d’Union Montréal, Marvin Rotrand, porte maintenant les couleurs de la Coalition Montréal – Marcel Côté dans le district de Snowdon.

L’ancienne mairesse du Plateau-Mont-Royal et ex-responsable de la culture et du patrimoine au conseil exécutif de la Ville, Helen Fotopulos, se présente quant à elle dans le district électoral de Côte-des-Neiges. C’est aussi une ancienne d’Union Montréal qui se présente dans l’équipe de Denis Coderre.

À suivre aussi : Marie-Claude Johnson, fille de l’ex-premier ministre du Québec Pierre Marc Johnson, sera la colistière de la candidate à la mairie Mélanie Joly. Elle se présente comme conseillère de la ville dans le district Notre-Dame-de-Grâce.

Daphné Cameron

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